une autre vieEmmanuel Mouret : ses appartements encombrés, ses couples plus ou moins bien assortis, ses marivaudages tortueux, ses dialogues timides et obséquieux où la moindre maladresse révèle des passions secrètes. Pour une fois, le cinéaste change de décor comme de genre : il migre dans le sud de la France le temps d’un mélodrame solaire tendance Douglas Sirk se transformant en polar romanticovénéneux à la Hitchcock. Mais s’il délaisse son univers, il n’abandonne pas pour autant son style et il greffe à cette sombre histoire de jalousie ses habituels dialogues polis, riches de bégaiements, d’hésitations et de cautèle. Trompée, une femme folle amoureuse devient le bourreau d’un couple d’amants formé d’un électricien et d’une célèbre pianiste. Sous le sourire de façade, les petites attentions, les minauderies, elle les manipule de manière à éteindre au plus vite la passion qui les réunit. Mouret mêle donc sa manière habituelle aux codes archétypaux hollywoodiens : il grime la femme trompée en nymphette sexuée (débardeur transparent, jean moulant), l’électricien en prolo dépassé par les évènements et la pianiste amoureuse en bourgeoise dépressive. La jonction de codes classiques, de références aux films anciens (la partition à la Bernard Herrmann) avec les dialogues à la Mouret aboutit moins au rêve maniériste voulu par son auteur qu’à un exercice de style besogneux, dénué de toute fantaisie. Surtout, on se dit que ce mélo si solennel, si certain de ses vérités, aurait peut-être bénéficié pour une fois de la légèreté et des hésitations auxquelles Mouret nous avait habitués.