garâtUne très vieille femme règne sur un domaine oublié d’un coin de campagne française. Elle est plus agée que le siècle même, et ne parle plus à grand monde. Une jeune femme venue au village pour en explorer les archives, trouve refuge chez elle. La jeune universitaire et l’aïeule recluse s’apprivoisent. Chaque soir, Lottie ouvre pour son invitée le grand livre de ses souvenirs. Épuisée face au feu qui ronronne, bercée par les mots de sa compagne de hasard, la sociologue s’abandonne à ses récits. L’histoire de Lottie l’hypnotise. La vieille femme fut petite fille de ferme, battue par une mère mauvaise, délivrée de sa condition grâce à l’arrivée d’un nourrisson déposé par un mystérieux vagabond, chez les Ardenne, notables voisins. Seule à pouvoir calmer les pleurs de la minuscule Anaïs, Lottie est entrée au domaine comme nourrice, où elle a veillé sur les jours de l’enfant. D’où la petite est-elle venue, et que deviendra-t-elle? Qui furent son père et sa mère, lui voyageur dans le Grand Nord, elle Indienne au nom exotique ? Pourquoi l’ont-ils envoyée chez les Ardenne? Il y a là des drames, des secrets, des passions. Lottie déroule le fil du destin, voit se bousculer des spectres aux portes du domaine, chasse les uns, accueille les autres,« composant le texte où se lit l’histoire des fantômes,de qui je pille les restes pour me faire leur récitante » … Dans les archives de la mairie, l’hôte de Lottie mettra au jour une part secrète de l’histoire de sa propre famille – par la grâce du mystère, les destins se répondent, se rejoignent et s’épousent. Roman monumental, fresque historique, familiale et sociale, La Source révèle peu à peu au lecteur son étrangeté de grandes légendes. Anne-Marie Garat déploie son style singulier: érudit, élégant, trouvant l’équilibre entre une maîtrise flamboyante et un jeu savant de construction, filant les relatives parfois en paragraphes entiers. La densité des références – Rimbaud, Victor Hugo hantent l’oeuvre -, la douceur du style favorisent l’envoûtement. Ainsi se manifeste la virtuosité de l’auteure: il faut accorder deux lectures à certains passages, l’une pour le plaisir d’être captif de la narration, l’autre pour goûter l’intelligence d’un récit bien construit. Anne­MarieGarat ne boude pas son plaisir et plonge, avec son lecteur, dans la fontaine de jouvence qu’est le conte.

La Source
Anne-Marie Garat
Actes Sud