berlin

Berlin, Beyond the Wall, et même plus précisément, « autour » du Mur. Avant, après et pendant. Ou comment faire le tour d’un événement, avec les photos de Patrick Tourneboeuf, en solo, de la fin des eighties et de la décennie suivante, ou réunies aux représentations cartographiques de Laurent Gontier sur un leporello qui se déplie comme on voyage, d’étape en étape. Mais aussi avec les extraordinaires clichés du milieu des années 80 de Philipp J. Bösel et Burckhard Maus, également présentés à l’expo, comme les pages d’un journal intime de béton. Chaque vue de Bösel et Maus est un pan du Mur, couvert de graffitis, comme si l’Histoire, la grande ou l’intime, s’écrivait littéralement sous nos yeux : « BOWIE », « YOU, PHIL », « ANIMAL FARM », autant de commentaires fugitifs, de notations sur le moment et sur le monument. 

Ce télescopage des temporalités, Patrick Tourneboeuf l’a magnifiquement saisi, donnant à voir dans ses tirages toute l’épaisseur complexe, contradictoire même, qui forme un événement. Ainsi cette photo en noir et blanc, des années 88-90 : on lit cette phrase, « BERLIN WIRD MAUERFREI » (en VF : Berlin se libérera du Mur), et au premier plan, il y a des décombres, des gravats. L’avenir et le passé se mêlent indissociablement, le second est gros du premier. Et c’est toute la force de ces photos : montrer que la chute du Mur ne fut pas une déchirure nette, soudaine, qui aurait la clarté bien délinéée d’une date sur une frise, mais un écheveau d’hier, d’aujourd’hui et de demain. La photo est bien un art de l’instant – à condition de ne pas oublier que celui-ci est indéfiniment ramifié, vers l’avant et vers l’arrière.

Exposition Patrick Tourneboeuf et Laurent Gontier, Berlin Beyond the Wall, galerie Folia, jusqu’au 21 décembre, dans le cadre de Photo Saint Germain