paradisLe Paradis, selon Cavalier, c’est 2001, l’Odyssée de l’espace avec un rollmops au vinaigre en guise de vedette. Fidèle à sa méthode de bric et de broc (Le Filmeur, Irène), le cinéaste se confronte cette fois à l’épique, au merveilleux et au divin. Sont ainsi montrées dans sa maison les aventures d’Ulysse, d’Athéna et de Job. Ulysse est incarné par un petit jouet robot, le monde par une papaye, le diable comme une souche tordue. Tel un gamin avec ses joujoux, le cinéaste les agence, les fait se confronter tout en récitant off leurs exploits, épousant leurs interrogations au gré de leurs quêtes. Même s’il use de moyens a priori dérisoires, Cavalier connaît trop bien le cinéma pour ne pas réduire sa mise en scène à simplement filmer en plan fixe des canards en plastique. Il convoque aussi le son. Derrière Ulysse, on entend la tuyauterie de la cuisine s’écouler comme si la pluie tombait sur le héros. Chaque cadre de caméra est savamment pensé, offrant des perspectives étonnantes, variées et justes : une contre-plongée sur le diable pour imposer sa puissance, un clair-obscur en plan rapproché pour figurer le mystère de Dieu. Au fond, cette année, ils auront été deux, deux vieux maîtres à exalter l’image animée par le retour et le recours à des moyens rudimentaires : Takahata avec ses esquisses crayonnées dans Le Conte de la princesse Kaguya et Cavalier avec son bric-à-brac. Itinéraire intime, épique et mystique vers la mort, ce Paradis est également une incantation aussi profonde que ludique sur les puissances du cinéma.