editoJ‘ai vu double, triple, quadruple… Pennac   partout. La presse en a fait son champion de l’hiver. On peine à croire que l’auteur serait devenu meilleur que ce qu’il a été, mais ce raz de marée a piqué ma curiosité. Les éditions Gallimard ayant eu la gentillesse de ne pas m’envoyer le livre (mais ça je ne le saurai qu’après lecture), je vais chercher le livre à ma librairie préférée, chez Delamain. Le libraire me connaît bien et fait une moue interrogative quand il me voit prendre le livre. A mon avis, ce n’est pas pour Transfuge me dit-il, grimaçant. Que nous offre-t-il le loufoque pas drôle Pennac pour 21 € avec son Cas Malaussène ? A vrai dire presque rien. Ce livre ringard semble écrit il y a des décennies au temps des Tontons flingueurs, avec l’argot des années 60. C’est du Audiard version littéraire, on y boit des caouas, on se fait « éclater la tronche », on ne « lâche pas un flesch », on croise des « mômes ». Miser sur cette France d’hier est une excellente idée commerciale d’ailleurs, la nostalgie, c’est-à-dire une forme de maladie quand on a moins de 80 ans, étant une des caractéristiques de notre époque.

Ce serait cependant injuste de dire que ce fan de Bobby Lapointe tourne le dos à son époque. Mais c’est hélàs là que l’indigence de sa pensée se voit au grand jour. Alceste, écrivain à succès, se rendra dans une émission de téléréalité, C pas un drame. Passons sur le « public chauffé comme un four avant cuisson » qui relève d’un art poétique incontestable. Que nous dira ce passage sur la télé ? Sur notre époque ? Rien. Rien que de scènes grotesques et quelques péripéties. Idem à propos des réseaux sociaux. C’est bien de les intégrer dans un roman en 2017 mais pour en faire quoi ? Nous dire qu’il y a des manipulations dans le cyberespace. Wouah! merci Daniel, ta pensée est puissante. Aucun des enjeux contemporains liés à internet n’est abordé d’une manière ou d’une autre. Proposons-lui par exemple de lire le livre de Geoffroy de Lagasnerie, L’Art de la révolte, Snowden, Assange et Manning . Son livre aurait eu une autre dimension en creusant de ce côté-là. Récitons dans ces lignes Aragon comme ligne directrice pour juger de la force d’un roman : « Le moderne ? Le point névralgique d’une époque. C’est là qu’il faut frapper. » Pennac ne frappe jamais, il dort et nous endort. 

Ne désespérons pas cependant, à côté de l’officiel le off soutenu par Transfuge  continue de produire de beaux livres ouvrant sur des formes et des réflexions inédites, comme ceux de Jean- Noël Orengo qui a l’audace de prendre comme personnage principal un drone, (L’Opium du ciel , Grasset) et de Gaëlle Obiégly avec N’être personne  (Verticales) roman écrit autour des questions d’identité vacillante, d’échec et de déracinement.

Loin de Pennac, nous avons repris contact avec Bret Easton Ellis avec qui nous n’avions pas discuté depuis 2010 pour la parution de Suite(s) impériale (s)  (Robert Laffont). Il réalise une websérie, The Deleted , qui connait un succès mondial. L’univers aseptisé de la série rappelle Moins que zéro , et ces jeunes de Los Angeles, beaux et riches désoeuvrés. L’horreur y est aussi, le sang coule. L’influence de Lynch et Larry Clark est palpable. Durant plus d’une heure, Ellis nous a parlé de pop culture, du conservatisme d’Hollywood, de Donald Trump, de la jeunesse d’aujourd’hui, de son propre vieillissement, de mutations technologiques et de ses conséquences mortelles sur le cinéma. Ellis est un mélancolique obsédé par l’avenir.

Et écoutez ses podcasts ils sont fabuleux (discussion avec Quentin Tarantino, Mark Z. Danielewski, Kim Gordon, Larry Clark…)

Ellis versus Pennac : choisis ton camp, camarade.