lindyAvec Lindy Lou, jurée numéro 2, Florent Vassault aborde la peine de mort aux Etats-Unis sous un angle inattendu. Et fait affleurer le malaise d’un pays face à sa justice.

Il y a vingt ans, lorsque Lindy Lou Wells Isonhood, policière dans l’État du Mississippi, s’est retrouvée au sein du jury d’un procès pour meurtre, elle était partisane de la peine capitale. Elle le répète souvent, c’est la loi du talion, oeil pour oeil, dent pour dent, qui régnait dans sa tête et dans celles de beaucoup d’habitants du Sud américain conservateur. Ou comme son mari le dit autrement : « On se couche dans le lit qu’on a fait. »

La question n’est pas tant de savoir comment Bobby Wilcher, accusé, à dix-neuf ans, du meurtre de deux femmes, lui-même violé pendant l’enfance, d’un milieu défavorisé, a fait son lit. Le documentaire Lindy Lou, jurée n°2, se concentre sur le bouleversement psychologique et moral éprouvé par la jurée, devenue responsable de la mort d’un être humain. Peu importe pour elle que l’accusé n’ait montré aucune émotion, c’est la décision de donner la mort qui va à l’encontre de son coeur et de sa foi. Il y a un fossé entre l’adhésion de principe à la peine capitale et le fait de la prononcer. Confrontée à cette brutale prise de conscience, Lindy Lou sombre dans la dépression. On l’aura compris : le film de Florent Vassault n’est pas un énième docu « sur la peine de mort », mais une tentative pour reconstituer une trajectoire intérieure.

Qui ne se limite pas à Lindy Lou elle-même. Sous l’impulsion du réalisateur, elle décide de partir sur les routes du Mississippi, traversé du Nord au Sud, et magnifiquement filmé, à la recherche des jurés qu’elle n’a pas revus depuis le procès. De banlieue en banlieue, au gré d’étapes dans des maisons souvent cossues, elle retrouve chaque membre du jury, raconte ce qu’elle a vécu, écoute ses hôtes. C’est à travers leurs mots que se découvrent peu à peu les éléments de cette histoire, qu’elle se reconstitue rétrospectivement. Au fil d’une parole étonnamment aisée – les protagonistes se confient à Lindy et à la caméra avec une remarquable absence de réticence – apparaît toute la complexité des points de vue. Si certains ne partagent pas les regrets de la jurée, d’autres, au contraire, laisse émerger une forme de doute. Lindy, surprise, s’aperçoit qu’elle n’est pas la seule à avoir été ébranlée. « All I had to do was to say no », confesse un des jurés. La solitude initiale de Lindy Lou s’estompe, quelque chose comme une chaîne de consciences fraternelles, rapprochées par un même sentiment, se met en place. Et, au-delà de ceux que concerne directement l’affaire Wilcher, c’est toute une perspective qui s’ouvre sur la société américaine. Une société qui souffre, secrètement, d’un acte de cruauté commis au nom de la loi.

Mais, pour autant, les zones d’ombre ne se dissipent pas : certains se ferment devant Lindy Lou. Tel cet homme amorphe, quasiment un zombie, qui n’a presque plus aucun souvenir du procès, mais est pourtant assuré d’avoir pris la bonne décision. Mais le plus troublant est la réaction du mari de Lindy Lou. Cette violence faite d’incompréhension totale, d’indifférence et d’autosatisfaction froide devant les doutes de sa femme. Qui loin de la décourager la rendent plus forte.