le cancreL’âge ne fait rien à l’affaire en matière de cinéma, et le vétéran Paul Vecchiali le prouve avec éclat. Nuits blanches sur la jetée  (2014), magnifi que adaptation de Dostoïevski, sonnait son grand retour dans les salles. C’est l’amour, sorti en mars de cette année, ne nous avait que moyennement séduits, mais Le Cancre , tourné dans la foulée, replace la barre à sa hauteur habituelle. Vecchiali s’y met en scène dans la peau de Rodolphe, un fringant octogénaire à qui on a diagnostiqué un cancer. L’imminence de la mort le pousse à revenir sur sa vie. Plus précisément sur les femmes de sa vie. Chacune, ex-épouse (Annie Cordy), simple compagne (Françoise Lebrun, Françoise Arnoul), voire soeur d’une maîtresse défunte (Édith Scob, dans une scène hilarante) lui revient – littéralement. Leurs motivations diffèrent, la rancune ou le désir d’une chaste réconciliation les animent, mais toutes confortent le vieil homme dans une unique certitude : une seule de ses femmes aura compté. Marguerite, son amour de jeunesse (Catherine Deneuve, qui apparaît en fin de film comme on arrive au bout du chemin). A cette histoire s’en tisse une autre, tout aussi intime. Car un personnage accompagne quotidiennement Rodolphe dans ses dernières années, son fils Laurent (Pascal Cervo), homosexuel tardivement assumé. De 2007 à 2015, les deux hommes cohabitent dans un mélange de complicité et de pudeur. Sans doute certains trouveront-ils le film à la limite de la sensiblerie, presque mielleux. Mais c’est bien la recherche d’une mise à nu des sentiments qui anime plus que jamais ce cinéma. De Corps à coeur  (1978), son chef-d’oeuvre et plus gros succès public, à ce Cancre , beau film fragile, s’exprime avec une même croyance dans le potentiel romanesque et romantique du cinéma. D’où le point d’orgue de l’histoire d’amour de Rodolphe et Marguerite, que le temps et la succession des relations avec d’autres femmes n’auront pas réussi à éclipser : au moment où il rend son dernier souffl e, c’est son visage à elle qui lui reste. D’où cette autre histoire d’amour, celle qui lie un père et son fi ls. Un running gag  assez savoureux résume à lui seul la proximité retrouvée de leur relation : Rodolphe, à plusieurs reprises, ordonne à son fi ls de ne plus porter son sweat-shirt fétiche. C’est très simple, tout bête, mais cette remontrance rappelle au jeune homme l’autorité de son géniteur (« fais pas ci, fais pas ça ! ») mais aussi, et surtout, la bienveillance taquine d’un ami. Si Laurent s’inquiète de la santé de son père, ce dernier cultive la familiarité. A la piété fi liale répond l’amour paternel. Attaché avant tout aux belles histoires et à leur mise en image la plus limpide, Paul Vecchiali pratique un cinéma de la sincérité, un cinéma qui reconnaît sans fausse honte qu’il vient du coeur.