Mabanckou, Bayamack-Tam, deux noms qui résonnent au-dessus de la mêlée de la rentrée littéraire. Deux noms, l’un que vous connaissez, Mabanckou, confirmant le talent qu’on lui connaissait avec Verre Cassé (Seuil), l’autre que vous ne connaissez peut-être pas, Bayamack-Tam donc, espoir féminin, neuvième roman, (ah oui, déjà !), que la critique a trop ignorée (sauf Libé signé Lançon Philippe, et nous-mêmes). Paraissent d’eux d’excellents romans,  d’Alain Mabanckou, Lumières de Pointe-Noire (Seuil) ; d’Emmanuelle Bayamack-Tam, Si tout n’a pas péri avec mon innocence (P.O.L).  Deux romans à la prose immodérée, rapide, étoffé de mythes africains pour Mabanckou,  nourri d’histoire littéraire – chez Ovide et tant d’autres – pour Bayamack-Tam. Deux romans tragiques, le premier sur la mort d’une mère ; le deuxième autour du suicide d’un petit frère. Deux romans anti-mélancoliques, du côté de l’enchantement et de la drôlerie, à l’inverse de notre époque malade, nihiliste, naturaliste, houellebecquienne.  Ecoutez ces incipits ! Alain Mabanckou : « J’ai longtemps laissé croire que ma mère était encore en vie. Je m’évertue désormais à rétablir la vérité dans l’espoir de me départir de ce mensonge qui ne m’aura permis jusqu’alors que d’atermoyer le deuil. J’ai encore sur le visage la cicatrice de cette disparition, et même s’il m’arrive de l’enduire d’une couche de joie factice, elle remonte à la surface lorsque s’interrompt soudain mon grand éclat de rire et que surgit dans mes pensées la silhouette de cette femme que je n’ai pas vu vieillir, que je n’ai pas vu mourir et qui, dans mes rêves les plus tourmentés, me tourne le dos et me dissimule ses larmes. » ; Emmanuelle Bayamack-Tam : « Quand ma grand-mère tente de refermer les cuisses, la sage-femme l’en empêche et entreprend de bouchonner sans ménagement son périnée endolori. Ma grand-mère ferait bien d’interroger la signification de cette brutalité, mais comme elle a toujours le chic pour profiter des bons moments, elle s’accorde le répit que lui laissent la paix retrouvée de ses viscères et l’escamotage fulgurant de son nouveau-né. Elle promène distraitement la main sur son ventre effondré et a juste le temps d’en percevoir les dernières contractions, la réplique mourante du grand chambardement, avant d’être délivrée d’un placenta dont elle ignorait l’existence et qui s’expulse d’elle en trois soubresauts voluptueux. » La littérature française n’est pas morte.

Chers fidèles lecteurs et lectrices, si comme pour Novalis, l’esprit et la culture est le but qui vous est le plus sacré, continuez à lire Transfuge en 2013, nous poursuivons le même.