not your negroRythmé, intelligent, captivant, I Am Not Your Negro  dévoile toute la force et l’éloquence de son propos rien que par son titre. Nommé à l’Oscar du meilleur documentaire en 2017, cette plongée dans l’Amérique des années 1960 reprend les notes écrites par James Baldwin, écrivain afro-américain et homosexuel décédé en 1987. Dans son manuscrit inachevé, intitulé Remember this House , qu’il a rédigé au crépuscule de sa vie, il examine le mouvement des droits civiques à travers trois figures emblématiques et amis très chers assassinés à l’orée de leur quarante ans : Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King. Avec pour point de départ leur destin tragique, la prose de Baldwin se dévide, vive et percutante, décryptant la notion de race, les classes sociales, la peur de l’autre, le déni de l’Amérique blanche et les effets pervers du racisme. Des propos vibrants et réfléchis, narrés par la voix gutturale et enveloppante de Samuel L. Jackson. Raoul Peck, ancien ministre de la culture à Haïti devenu depuis cinéaste, producteur et président de la Fémis, éclaire les paroles de cet homme qui a rejoint le panthéon des intellectuels américains les plus influents du vingtième siècle. Découpé en chapitres, le documentaire entremêle images d’archives, interventions télévisuelles et extraits de films avec Sidney Poitier ou Harry Belafonte, tout en faisant écho à la présidence de Barack Obama. Peck juxtapose ainsi les images d’hier et d’aujourd’hui, traçant le chemin parcouru et à parcourir encore. I Am Not Your Negro  raconte, éduque, émeut. Sur une musique entre blues, jazz et rock, ce documentaire de 94 minutes se révèle alors comme une leçon d’histoire puissante et l’étude psychologique d’une nation. Car « L’histoire des Noirs en Amérique, c’est l’histoire de l’Amérique, et ce n’est pas une belle histoire », formulait Baldwin en 1979. De la violence policière sur les manifestants pour les droits civiques à Birmingham et à Selma au mitan des années 1960, au tabassage de Rodney King en 1991 jusqu’aux affrontements à Ferguson en 2014, les problèmes endémiques du pays de l’Oncle Sam découlent d’une peur et d’un refus d’affronter sa propre histoire. Plus de cinquante ans plus tard, les mots de ce héros de la cause noire, issu de l’Amérique de John Wayne, résonnent encore, conservant toute leur intensité. Si l’histoire se répète avec les mêmes batailles, ce film reste malgré tout empreint d’espoir et s’avère vital à découvrir, se classant aux côtés des oeuvres engagéesvcomme Get Out  et Moonlight , qui ont la volonté de réveiller les consciences et de changer les mentalités. Il est peutêtre temps maintenant de (re)lire James Baldwin…