sunriseDepuis dix ans, l’inspecteur Joshi et sa femme Leela vivent dans l’impossible oubli d’Aruna, leur fille kidnappée. Lui, au commissariat comme dans les rues de Mumbai, est attentif à toute affaire susceptible d’éclairer l’enlèvement de sa fille. Leela, elle, ne sort plus, continue à parler à la disparue, ignore son mari. Une scène d’amour impossible cristallise à elle seule la distance affective qui les sépare.

À travers le portrait de ce couple en crise, Partho Sen-Gupta, dont c’est le deuxième long, filme le trafic d’enfants en Inde. Rescapé lui-même d’une tentative de kidnapping dans sa jeunesse, la naissance de sa propre fille a réveillé ses inquiétudes. Sunrise est à la fois un hommage aux victimes et une façon d’exorciser cette vieille angoisse.

Fort heureusement, cette base biographique ne contrarie pas ses ambitions esthétiques : le film de Partho Sen-Gupta est vraiment du cinéma, pas une thérapie. Joshi, que de nombreuses scènes montrent seul, marchant sous la pluie, entouré de silhouettes plus ou moins distinctes, est une pure figure de film noir. Le drame personnel qui pèse sur ses larges épaules, sa vigilance de tous les instants en font en effet un vrai personnage de polar. Le polar tend par ailleurs vers le fantastique : la scène de la poursuite initiale revient au moins deux fois, si bien que l’on doute finalement de sa réalité. Mais dans le récit s’intercalent aussi de nombreuses séquences consacrées au quotidien des danseuses du bar Paradi se, peuplé de jeunes filles kidnappées, exploitées par une vieille dame sans scrupule. C’est toute la force de Sunrise : se situer à la croisée des chemins, entre la chronique d’une obsession qui f init par faire vaciller la perception du monde, et le réalisme.