C’est un sentiment étrange, confus, peu sûr, que j’éprouve quand je pense au Goncourt de Houellebecq. L’impression qu’il a signé avec le diable son arrêt de mort. Ben Jelloun aura fini par l’avoir, sa peau. L’impression qu’on ne va maintenant plus parler de lui, ou qu’on n’en parlera plus qu’au passé. Je parie que son prochain roman ne se vendra pas, et que la critique oscillera entre un jugement négatif et l’indifférence. Le suprême geste aurait été de le refuser. Comme Sartre qui refusa le Nobel. La classe ! On ne pactise pas quand on est un révolté. Houellebecq était un maudit, tout de même ! Il ne l’est plus et tout s’est dégonflé. Il est devenu écrivain officiel – on l’a même comparé sur France Inter à Denis Tillinac -, la société a gagné, on ne parlera plus de lui.

Et c’est là, finalement, que tout devient excitant. Que va-t-il se passer dans les années à venir après la disparition de Houellebecq ?

Qui allons-nous choisir pour nous parler du monde dans lequel nous vivons ? Dans lequel nous devrions vivre ? Vers lequel on va ? Allons-nous chercher un autre Houellebecq ? Continuer à porter aux nues un «écrivain du désastre», comme le désignait François Meyronnis dans son remarquable ouvrage De l’extermination considérée comme un des beaux-arts ? À porter aux nues le nihilisme, à se choisir un écrivain qui ne dira que la tristesse du monde, celle de notre époque ? Ou bien choisirons-nous la voie sollersienne, celle de la jouissance, de la légèreté, de Stendhal, comme dans son beau dernier roman Trésor d’amour où il réécrit son De l’amour ? Choisirons-nous Nietzsche ou Schopenhauer, le paradis ou l’enfer, la santé ou la maladie, l’engouement ou la plainte, l’amour ou la misère ?

Houellebecquisme ou sollersisme ? L’avenir nous le dira. Une certitude : les années à venir, en littérature, seront passionnantes.

En attendant, en plein purgatoire, nous sommes allés voir de plus près à quoi ressemble le sollersisme dans ce long entretien que l’écrivain nous a accordé. Nous sommes revenus aux textes et, malgré la rumeur, Sollers n’est pas qu’un excellent critique, il est un écrivain majeur, au moins pour deux livres, Paradis et Femmes.

Allez voir du côté de Sollers. Après Houellebecq, c’est une cure. Une cure de jouvence.