computer chessQu’est-ce qu’un savant fou ? La réponse se trouve sûrement au sein de cette assemblée de nerds, réunis dans un motel, en ce début des années quatre-vingt, pour un tournoi de programmes de jeu d’échecs. Ce qui pourrait sembler être un hobby à la portée très limitée se révèle, d’une manière ou d’une autre, dépasser par ses enjeux ce simple tournoi. Les personnages s’interrogent en effet : et si le Pentagone s’intéressait à nos recherches ? Et si l’on avait créé des ordinateurs pensants ? De fait, Computer Chess est entre autres un film sur la naissance de l’internationale geek, sur la prise de pouvoir des ordinateurs. « Entre autres », parce qu’Andrew Bujalski (avec lequel la mouvance mumblecore – petit budget et acteurs amateurs – est née il y a quelques années) laisse les sujets accidentels pénétrer son film, créant un ton très doux et très drôle, et varie la forme selon ses accidents. L’image presque amateur (le film est tourné avec une caméra de télévision de l’époque) se voit parfois agrémentée d’effets (fondus, couleur…), au gré du comportement des personnages : par exemple l’hilarant Michael Papageorge (Myles Paige), qui se trouve pris, à force de tourner en rond, dans une boucle temporelle de quelques secondes (l’image est rembobinée et repassée plusieurs fois). Computer Chess, loin de n’être qu’un objet vintage capitalisant sur le « geek chic » actuel, tient donc sa beauté de cette indétermination esthétique dans laquelle il flotte : à l’image des plus grandes inventions, on ne sait jamais vraiment ce que c’est.