impulsoAvec Impulso, Emilio Belmonte fait le portrait de la grande Rocio Molina. Une artiste du flamenco qui prouve que la discipline n’est pas fossilisée… 

En novembre 2016, la chorégraphe et danseuse de flamenco Rocío Molina, mondialement reconnue pour son approche novatrice du flamenco, a présenté au Palais de Chaillot sa création Caída del Cielo – « tombé du ciel ». À travers ce spectacle, elle a repoussé une nouvelle fois les limites du flamenco traditionnel, extrêmement codifié, en laissant une grande place à l’improvisation, du jamais vu encore sur scène. Le documentaire d’Emilio Belmonte Impulso suit la danseuse durant les mois qui précédent la première à Chaillot, à une période donc cruciale de son trajet artistique.

Comme dans le film de Curro Sanchez sorti en 2014 sur le guitariste Paco de Lucía, si légendaire peut-être lui aussi parce qu’il s’est peu à peu éloigné des principes anciens sans les renier, une des questions centrales du film est ce conflit esthétique incessant que connaît le monde du flamenco. Qui oppose respect de la tradition et besoin de transformation qui permettrait une renaissance de cet art. Plutôt qu’une renaissance on pourrait peut-être parler d’un changement de cap, puisqu’il sort du monde auquel il appartenait pour être donné à de nouveaux regards, dans un temps avide d’autres influences. D’origine espagnole et gitane, le flamenco a dorénavant des tendances jazz, latino-américaines… Rocío Molina joue des rythmes traditionnels pour les ralentir, les accélérer, faisant de sa danse une performance qui la rapproche parfois de l’art contemporain.

Cette tension entre monde ancien et moderne demeure néanmoins sous-jacente au film, centrale mais pas clairement exprimée, et on aimerait à certains moments qu’elle soit plus nette. Répétitions, spectacles, discussions avec les musiciens, images back stage, le film est riche de documents, mais reste parfois trop à la surface du sujet, et la structure en devient confuse. Le témoignage d’un chanteur, disant lui-même préférer l’ancien temps mais comprendre le besoin de transformation, ainsi que l’émouvant duo avec Juana Amaya, trop faible pour danser debout, suffisent néanmoins pour permettre de saisir combien ce passé est cher à Rocío Molina. Mais aussi suggérer qu’elle balaye ce débat, tant elle a créé à travers ses chorégraphies un autre genre, issu du flamenco, fidèle à lui, mais tourné vers une voie plus personnelle comme en témoigne son dernier spectacle à Avignon, où elle met en scène sa propre grossesse.

Le témoignage de sa mère est l’un des moments les plus touchants d’Impulso. Les larmes aux yeux, elle confie la douleur qu’elle ressent à voir sa fille danser sur scène, tant celle-ci donne d’elle même, l’âme ouverte, à nue, face aux autres. Et c’est ce qui demeure le plus prégnant dans ce film, la présence et le visage fascinants de Rocío Molina, entre douceur et dureté, grâce et force, contrastes au coeur de l’art du flamenco.