notre enfantAu milieu d’une fournée de films mastodontes et intimidants (Mektoub my love, Phantom Thread, Hostiles), Notre enfant paraît de loin minuscule : un enfant justement. 

Petite co-production venue d’Argentine et suivant une doctoresse qui cherche à adopter dans le Sud du pays un enfant né dans la misère. La surprise est donc d’autant plus grande que le film tire tous les fils d’un pareil argument sans jamais paraître faire de l’un d’eux un dossier pour exposé didactique sur l’adoption ou les différences Nord/Sud en Argentine. Pourtant tout y est : les inégalités sociales, l’exclusion et l’invisibilité des communautés rurales les plus excentrées, la maltraitance et le droit à l’adoption. Seulement Diego Lerman (Refugiado, 2015) à l’instar du Chilien Pablo Larrain, ne fait pas dans la simplicité. Loin de là. Son héroïne est donc médecin et appartient à la haute bourgeoisie de Buenos Aires. Sous ses airs de future mère courage, de matrone blessée par différentes fausses couches, il montre aussi le visage égoïste de celle qui se croit supérieure par le sang et donc en droit. Mais Lerman n’en fait pas pour autant une harpie. Non, grâce à sa remarquable comédienne, Barbara Lennie, il compose un personnage crédible, oscillant entre des désirs légitimes et une absence totale de scrupules pour parvenir à ses fins. On songe notamment à cette scène où elle craque, révélant les contradictions qui l’habitent. À l’instar du traitement de ce personnage, tout est question d’équilibre. Sur le modèle du récent et remarquable Get Out de Jordan Peele, le film aborde la question du racisme social aigu sur le mode d’un thriller : une nuée de personnages louches entoure cette mère éplorée pour lui extorquer le maximum d’argent. Véritable mafia de vendeurs de chair humaine qui évoque, par son caractère monstrueux les pires conspirations. Mais là encore, Lerman n’en fait pas des tonnes : on devine un Léviathan si développé qu’il en devient invisible, à la façon des sectes anonymes des meilleurs films de John Frankenheimer. L’atmosphère de paranoïa est telle qu’elle contamine l’ensemble du paysage. Ainsi un simple arbre semble receler de lourdes menaces, le visage d’un douanier en bout de route fait figure de monstre corrompu. Par quelques changements de focales, d’échelles, c’est le monde qui devient menaçant. Mais jamais Lerman n’apporte de réponses aux inquiétudes qu’il suscite. Une seule certitude : malgré la présence d’un enfant qui devait faire le lien entre deux mondes, la rencontre restera lettre morte. Chacun des groupes demeurera à sa place, aucune osmose n’est possible. Certains reprendront la route vers la grande ville quand d’autres continueront à se terrer en lisière du désert, à l’orée du monde.