from extaseMisogynie à part comme aurait chanté Brassens, certains prétendent que l’esprit n’est jamais venu aux femmes. Notamment, lorsque celles-ci sont belles à se damner. Pure jalousie masculine de vieux barbons frustrés : comment des êtres de chair pourraient-ils cumuler les plus grandes facultés intellectuelles aux splendeurs plastiques dignes des dieux ? Ce déni d’intelligence, Hedy Lamarr en fit les frais. Elle était trop irréelle pour être plus que cela, cette Autrichienne qui inspira les traits de Blanche-Neige à Walt Disney, cette femme surtout qui affola la libido mondiale en 1933 avec Extase de Gustav Machatý où on la découvrait nue et surtout en plein orgasme. Imaginez, pour beaucoup, ce fut le premier orgasme jamais filmé, jamais vu et surtout jamais entendu, le film ayant été fait peu après l’avènement du parlant. Hedy, cette fille qui avait débuté sur les planches de Max Reinhardt était aussi sensuelle, belle que scandaleuse. Avant de rejoindre Hollywood après ce coït inoubliable, ce véritable Big Bang de la représentation érotique, la sublime Hedy côtoya tout le gratin austro-hongrois en Suisse, en partance pour l’Amérique au moment de la prise du pouvoir par Hitler. Bref, Hedy rendit fou Orson Welles, Charlie Chaplin, Billy Wilder et surtout Erich Maria Remarque avec lequel elle entama une liaison. Parvenue enfin à la Mecque du cinéma, elle fit perdre la tête à ce bon Louis B. Mayer qui accepta de lui donner, une fois n’est pas coutume, le contrat exact et dispendieux dont elle rêvait. Ce documentaire précis retrace les premières années de la carrière de Hedy qui tourna pour Victor Fleming, Jacques Tourneur ou King Vidor. Mais il éclaire aussi le génie de Hedy et surtout sa légende noire. On dit qu’elle était un géant intellectuel, une machine à penser, à créer, à compter. Une réputation que Hedy elle-même, parvenue au bout d’une existence où depuis vingt ans elle ne donnait plus d’interviews, écoeurée par l’oubli de ses fans, atteste. Un journaliste l’avait enregistrée en 1989, il retrouve la K7 et nous permet d’entendre Hedy qui parle de son amour pour la création, notamment scientifique puisqu’elle inventa un système de codage en télécommunication toujours utilisé pour les liaisons chiffrées militaires, ainsi qu’aujourd’hui dans la téléphonie mobile et pour le WIFI. Invention, nous explique Hedy, qu’elle avait voulu créer pour détecter les codes ennemis nazis pendant la guerre. On la voit ici dans des archives dessiner des machines extraordinaires. On sait aussi que Hedy fut la plus capricieuse des stars, la plus distante, la maîtresse de Robert Capa et Franck Borzage. Elle mourut dans l’oubli, repliée comme la Fedora de Billy Wilder dans son antre, charcutée par les nombreuses chirurgies esthétiques. Ce documentaire, doté d’archives que les cinéphiles rêvaient de voir depuis des années, retrace toute la légende « Lamarr » avec clarté.