Mon roi n’est pas le navet que certains ont cru (voulu) voir au dernier Festival de Cannes. Le film peut agacer, mais il est pourvu de réelles qualités d’écriture et d’interprétation. Après Polisse, la cinéaste s’essaie au crève-coeur intimiste, à la chronique d’un désamour entre Tony, une avocate un peu paumée (Emmanuelle Bercot, Prix d’interprétation à Cannes) et Georgio (Vincent Cassel), un entrepreneur louche. Au cours de la première séquence, Tony se casse les genoux à ski. Au fil de sa convalescence dans une clinique, on revient en flashbacks sur sa rencontre avec Georgio en boîte, leur idylle, leurs séparations multiples, leurs retrouvailles jusqu’au point de non-retour. Ellipse après ellipse, le film narre en même temps les grandes étapes (ponctuées comme toujours de rires, de pleurs, de hurlements : signes de la vérité des réactions et des sentiments chez Maïwenn) d’une passion douloureuse étalée sur dix ans auprès d’un homme charismatique et pervers et d’une guérison. Trop volontariste, un peu donneuse de leçons, cette partie balise le film de façon très attendue, à la manière d’innombrables comédies initiatiques : Tony doit apprendre à se détendre pour se défaire de Georgio. Cette partie sert aussi de façon artificielle et superficielle à évoquer la société, en retraçant la relation amicale de Tony avec des jeunes, dont certains issus des cités. Ces scènes-là sont gênantes tant les fous rires de complicité semblent forcés à chaque plan, comme si la cinéaste devait montrer à tout prix que la guérison de Tony – recluse dans son confort matérialiste – passe par une nécessaire ouverture aux autres. En fait, Maïwenn ne convainc pas quand elle obéit à des schémas où elle montre ses intentions. Par contre, quand elle se laisse aller à ses doutes, ses contradictions, son film fait mouche. Ainsi la romance est bien plus réussie, plus complexe. Notamment parce que Maïwenn a la bonne idée de filmer la passion comme un envoûtement. Dès son apparition, on apprend que Georgio a laissé une trace dans l’esprit de Tony en lui jetant de la poudre aux yeux. Dès leur premier rendez-vous, il l’hypnotise avec ses mains, son bagout, son naturel animal, son arrogante liberté, son argent qu’il exhibe avec ostentation comme un gangster russe. Il la conduit à un mariage pour la posséder. Il lui promet un enfant pour la tyranniser. Dans ce rôle de pervers magnifique, Cassel n’a jamais été aussi convaincant. Il est flamboyant sans faire le show. Il campe le parvenu vulgaire sans jamais le rendre grotesque. Par des ruptures de ton subtiles, des microgestes, il montre à la fois toute la puissance de Georgio et toute son infantilité, son pouvoir tyrannique et sa solitude. Dès qu’il ouvre la bouche, Tony ne sait plus rien faire : elle rit ou elle pleure. Elle est désarmée. Hystérique, le film vogue vers une scène finale magnifique où Tony regarde en silence le visage adoré de son homme. Grâce à Cassel, grâce à l’attention bienveillante que porte Maïwenn à ses deux personnages, sans jamais les condamner, en leur laissant des scènes pour s’expliquer, Mon roi est un film assez peu schématique sur la relation entre homme et femme, la fascination magnétique de certains êtres et le nécessaire désenvoûtement qu’exige le véritable amour. Entre aveuglement et lucidité, Mon roi est un vrai film amoureux.