circulationC’est un des principaux festivals où bat le pouls de la jeune photo européenne contemporaine : Circulation(s), qui s’expose au CENTQUATRE. Tour d’horizon express.
 

Huit ans déjà que le festival Circulation(s) joue son rôle de révélateur, au sens le plus technique du terme. La mission du festival ? Passer au bain de ses choix souvent intrigants, toujours inattendus, la jeune scène photo européenne ; fixer, sur les cimaises du CENTQUATRE comme dans un labo bouillonnant d’activité, ces instantanés de la photo d’aujourd’hui en train de se faire ; laisser toute latitude aux uns et aux autres de développer leurs séries, leurs techniques protéiformes, leurs perspectives aussi variées que leur provenance, Italie, France, Luxembourg…

Au sein de cette communauté cosmopolite, dont le dénominateur commun, au-delà du goût pour l’expérimentation, semble être le haut degré de réflexion et de conscience de leur art, certains dissolvent la surface des choses, des êtres et des paysages. Un processus de révélation qu’on repère dans la série indienne d’Arthur Crestani, qui sample références à la tradition de la photo de studio locale, réminiscences de brochures publicitaires, pour mieux mettre en avant ceux qui sont laissés derrière, qu’on n’aperçoit jamais : les travailleurs, les ouvriers. Même ambition chez Vanja Bucan, mais plus anthropologique que sociologique : montrer, via la déclinaison du motif de la main sur des fonds de nature, comment nous modelons cette dernière, la mettons en scène. A moins qu’il ne s’agisse, chez le Luxembourgeois Boris Loder, d’agréger fragments de sol, déchets divers et variés, comme autant de compressions sur des fonds blancs. « Blancs », ou plutôt, « cliniques », nous précise-t-il, pour souligner la parenté de sa démarche avec une « étude ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : étudier un lieu comme on pratique un échantillonnage de terrain, un carottage dans un sol, dont on remonterait toute la matière concrète qui le forme. Ou la photo comme révélatrice du génie du lieu. Voire comme révélatrice d’elle-même, de cette composante essentielle de cet art qu’est la couleur. On pense à Angélique Stehli et à ses cellules de prison rose pimpant. Non qu’elle voie la vie en rose : elle s’inspire d’expériences menées en Suisse sur les vertus prétendument calmantes de cette couleur sur les détenus. Orange, pardon, rose mécanique ? Façon en tout cas de suggérer que la couleur n’est pas seulement aplat pigmenté, mais aussi substance médicale, outil socio-politique de contrôle. Et on pourrait continuer à égrener ad lib cette kyrielle de révélations que ces jeunes révélations de la photo nous proposent. Mais on se contentera de finir en évoquant le travail de Francesca Catastini, qui pourrait servir d’emblème à tous les autres. Associant clichés personnels, anciennes photos d’étudiants en médecine, planches de manuels de la Renaissance, sa série se regarde comme une rêverie autour d’une pratique, ses lieux et ses fantasmes : l’anatomie. Ou la mise à nu, poussée à son paroxysme.