berlinIl y a une chose qui est particulièrement agréable à Berlin : le festival indiffère la ville : il est un épiphénomène qui n’a aucune incidence sur le rythme de vie des citadins. Si bien que le festivalier n’a pas l’impression d’investir la cité et de la prendre en otage comme dans tant d’autres festivals. D’une certaine façon, Berlin est le plus anonyme des festivals internationaux. Pour son soixante-dixième anniversaire, l’Ours s’offre un nouveau directeur artistique : l’Italien Carlo Chatrian succède à Dieter Kosslick après dix-huit ans de services plus que mitigés. Autant dire que l’ancien directeur de Locarno est attendu au tournant, tant la Berlinale a vu son blason se ternir : moins de stars, moins d’évènements et surtout moins de bons films. Mais, après une première journée venteuse à Potsdamer Platz, la déception est au rendez-vous. Deux films en compétition et rien qui puisse encore augurer d’un renouveau digne de ce nom.

L’argentine Natalia Meta rate complètement son thriller psychologique avec El Profugo. Inès, une doubleuse son de films d’horreur, est-elle possédée par des esprits malfaisants ou ces « intrus » sont-ils plutôt tous ces individus qui polluent son quotidien, qui ne l’écoutent pas et voudraient régir sa vie ? Pour qu’une telle ambiguité fonctionne, le film devrait créer du trouble, et un climat paranoïaque ou quasi onirique. Malheureusement, les scènes délirées comme les scènes du quotidien sont filmées de façon uniforme si bien que le film devient très vite atone. Natalia Meta mêle les registres sans en trouver un, préfère citer ses références (notamment le giallo) plutôt que de traiter de front le fantastique. Pire, elle finit par le délaisser pour tout sacrifier à une lourde métaphore féministe. Comme me le disait un ami festivalier hier : « encore quelqu’un qui voudrait faire du cinéma de genre mais qui en fait ne l’aime pas. ».

Pas beaucoup plus d’excitation avec Hidden Away de Georgio Dittri sur la vie du peintre naïf Antonio Ligabue. Le film démarre pourtant très bien en déconstruisant sa narration, nous permettant de nous immiscer dans la conscience affolée de son personnage principal, lequel aura subi tout au long de son enfance et d’une partie de sa vie adulte les moqueries et les brimades de son entourage avant de connaître tardivement la reconnaissance. Le film propose des hypothèses intéressantes : notamment l’idée que, même au plus fort de son succès, Ligabue est demeuré jusqu’à sa mort l’idiot du village. Avait-il vraiment du talent ou était-il l’incarnation même du « génie » idiot servant l’opportunisme de son entourage comme des journalistes et même des cinéastes néoréalistes qui s’intéressaient à sa personnalité rude et asociale plutôt qu’à sa peinture ? Malheureusement le film s’égare vite dans une narration laborieuse, sans situation réellement excitante, sans scènes marquantes.

Deux films en somme qui ont en commun de traiter du regard que l’on porte sur soi et la façon dont on se construit avec et contre les autres. Deux films sur la folie mais sans aucune folie, aucune démesure. À Berlin, on attend encore que ça démarre.