au bout du mondeC’est quoi le style au cinéma ? Une forme de grâce, une élégance réduite à trois fois rien, la teinte franche du manteau d’une présentatrice télé par exemple, et on sait qu’on est chez Kiyoshi Kurosawa, grand coloriste des salles obscures. Yoko, embarquée en Ouzbékistan avec son équipe, tente laborieusement de réaliser une émission sur les us et coutumes locaux : humour laid-back, contamination de la fiction par le docu (exposition des croyances du cru, visite du marché…), délicatesse souriante et triste, Kurosawa invente un réalisme doucement absurde, un truc qui en littérature aurait l’estampille Minuit. Mais n’oubliez pas le manteau de Yoko, cet aplat de couleur vive : Kurosawa reste Kurosawa et fait du Kurosawa. Au bout du monde est moins un récit qu’une traversée existentielle, voire métaphysique. Un passage par les lointains, par l’égarement (au propre, en Ouzbékistan, comme au figuré, lorsque Yoko apprend que son petit ami compte peut-être au nombre des victimes d’un incendie au Japon), une perte de soi, préalable à une renaissance. C’est sans doute ça le style : raconter légèrement une histoire grave…