Le roman d’espionnage fait un tabac aux Etats-Unis. On connaît tous Graham Greene ou John Le Carré. On connaît peut-être moins les nouveaux maîtres du genre, qui vendent leurs livres outre-Atlantique à des millions d’exemplaires.

 Pour les voir, il faut jeter un coup d’oeil sur le Vanity Fair de janvier 2008, magazine new-yorkais des plus influents, qui présente une photo de groupe de ces écrivains phares : Joseph Finder, Stephen Coonts, Samuel J. Hamrick, Robert Littell, Henry Porter, Ken Follett, Frederick Forsyth. Deux autres clichés à part, aussi : un de Len Deighton dont on nous dit qu’il a vendu son roman The Ipcress File à dix millions d’exemplaires ; un de Stella Rimington, l’unique romancière sélectionnée.

Certains d’entre eux ont travaillé sur le terrain avant de devenir romanciers. Robert Littell était grand reporter  pour Newsweek, et s’était fait remarquer pour ses reportages sur la guerre des Six-Jours. Frederick Forsyth était grand reporter pour la BBC, et avait couvert la guerre du Biafra en 1967. Stella Rimington n’était autre que la présidente du M15 (branche interne des services secrets anglais). Leurs romans sont donc largement inspirés de leurs expériences.

Alan Furst, lui, a une approche plus intellectuelle. C’est en effet dans des livres d’histoire, dans les archives, qu’il puise son inspiration, pour écrire des romans qui se passent tous entre 1930 et 1945, dans l’Europe exsangue. Point de légèreté chez cet auteur, ses romans sont crépusculaires, décousus comme a pu l’être cette période, traversés par des personnages qui errent, sans vie intérieure, broyés par l’histoire. Nous ne sommes jamais très loin des romans de John Le Carré, d’Eric Ambler, et plus étonnant, de Franz Kafka.

L’écrivain est aujourd’hui un phénomène aux Etats-Unis, où ses romans sont régulièrement classés dans la liste des meilleurs ventes du New York Times. Transfuge est allé voir de plus près le phénomène, à une heure et demie de bus de New York, dans une petite ville, Sag Harbor. Plus de deux heures d’entrevue, au bord de la mer, à discuter de littérature et d’histoire : celle, inépuisable, de la Seconde Guerre mondiale.