editoOn se souviendra sûrement longtemps de l’année 2015 comme une des pires années de ces dernières décennies. Inutile de vous faire un dessin, vous voyez de quoi je parle. Des attentats islamistes et une explosion du FN, deux idéologies contraires à notre humanisme. Deux idéologies violentes qui nous minent, nous angoissent, nous empêchent de bien trouver le sommeil, d’être sereins. Il a été difficile, surtout en fin d’année, de nous laisser aller à notre plaisir de voir de bons films, de lire de bons livres, de boire du bon vin en discutant et en riant de tout et de rien avec des amis. Nous sommes devenus graves malgré nous, et malheureux. Les « nous sommes en guerre » claironnés par nos dirigeants ont ajouté de l’angoisse à nos angoisses. Que faisons-nous, nous la société civile, dans ce merdier ? Que pouvons-nous faire ? Notre sentiment d’impuissance est gigantesque et l’impression que le sort de notre pays se joue sans nous désagréable. Les politiques savent-ils bien ce qu’ils font ? L’histoire a prouvé qu’il est possible que non. Et Valls qui jette de l’huile sur le feu en parlant de guerre civile ce matin même sur France info, et de guerre bactériologique quelques jours après le 13 novembre ! A-t-il pris la mesure du traumatisme de la population française pour être si maladroit et rude ? La raison ne semble pas bien gardée au sommet de l’État. Comment en sommes-nous arrivés là ? Les historiens répondront plus tard. En attendant, on y est et on est mal.

Il faut cependant continuer à vivre et lire car comme l’écrivait Jean Cocteau, “la poésie est indispensable” – et il ajoutait d’une de ses belles formules, “mais je ne sais pas à quoi”. Et c’est pourquoi nous vous avons sélectionné quelques très bons livres pour cette rentrée de janvier, dite rentrée d’hiver. Avec au sommet de cette hiérarchie un livre passionnant, le second d’Édouard Louis, Une histoire de la violence. En finir avec Eddy Bellegueule, son premier roman, avait été le phénomène de vente de janvier 2013. L’histoire était si forte – ce jeune homosexuel, Eddy Bellegueule, des classes populaires du Nord de la France qui s’émancipe de son milieu, vient à Paris et entre à l’École normale supérieure – que l’on pouvait se demander si le livre ne tenait pas avant tout à ce destin extraordinaire. Ce second roman confirme au contraire le talent littéraire de l’auteur, grâce à sa construction à plusieurs voix et à sa langue travaillée. Il creuse un genre relativement nouveau, mix d’autofiction et de sciences sociales (du côté d’Eribon, Bourdieu et Foucault). Il y est question d’un viol, le sien, et de décrire minutieusement le processus qui mène à la violence.

Édouard Louis n’a que vingt-trois ans, on pense parfois à le lire qu’il en a déjà cent. Il est un petit génie, le pendant de Xavier Dolan en littérature. On a parlé longuement avec cet écrivain engagé, de littérature, du Front national (une partie de sa famille en est depuis longtemps), et de l’état de la France. Le livre est très dur, en phase avec l’esprit de l’année 2015.

2016 sera une autre année, et vous pouvez aussi choisir Dany Laferrière, auteur de romans comiques, légers, truculents et sexuels, que je lis depuis quelques jours. Pour mon plus grand plaisir. Retrouver du plaisir, voici le voeu que je vous adresse pour cette année 2016.